Roukiata tombe le masque
Places assises encombrées, sièges du restaurant insuffisants, allées des escaliers desservant la scène assiégées, bref, les billets d’entrée au spectacle sous la paillote de l’IFB ce soir-là ne permettaient aux retardataires que de se tenir debout. Longue de sa moyenne taille et volute d’une souplesse remarquable, la show-woman, vêtue de pagne africain, entre en scène avec une anecdote sur l’intérêt de sa mère au cachet perçu lors de son précédent spectacle.
En une heure trente minutes, Roukiata Ouédraogo a paradé sur plusieurs thématiques sociétales dans une drôlerie qui dissipe leur sensibilité. L’immigration clandestine, l’éducation scolaire et parentale en Afrique, les chocs de culture et de -climat d’un africain en France, l’excision et sa vie de femme mariée ont meublé le show. Rythmé de jeux de lumière, ovations nourries, déhanchement de l’artiste sur diverses sonorités, rire à gorge déployée de l’auditoire, le spectacle pouvait continuer jusqu’au lendemain mais le masque était effectivement tombé.
Vous êtes à votre énième spectacle avec les pièces de théâtre à succès tels que « Yennenga, l’épopée des Mossis », « Ouagadougou pressé » et « Tombe le masque. » Quel est le secret de vos réussites ?
Je n’ai pas de secret, cela vient comme ça. Je ne sais même pas si ça va être un succès ou non. C’est vrai que mes -parents avaient fait du théâtre, c’était une passion pour eux. Mais il faut aussi beaucoup travailler. J’étais encore très petite quand mes parents faisaient du théâtre. Je ne les ai pas vus sur scène, cela m’a été narré plus tard. Quant à moi, ça va faire huit ans que je suis artiste comédienne.
Vous avez été élue meilleure humoriste dans votre pays le Burkina-Faso, peut-on dire que vous êtes prophétesse chez vous ?
Je pense que oui ! Je ne m’y attendais pas du tout. C’était une surprise pour moi. Ça fait quelques années que je rentre régulièrement au Burkina-Faso pour présenter mes créations. Quand je crée à Paris, je joue un peu en France mais à chaque fois, je rentre chez moi pour la présenter au public burkinabè parce que c’est ma culture, mon pays et j’ai envie d’y présenter mes œuvres. C’est vrai que le jour où on m’a appelé pour m’annoncer cette distinction, c’était une grande joie pour moi car je ne m’y attendais pas.
Pendant que certains artistes œuvrent à faire connaître l’Afrique sous de beaux jours, vous la dépeignez. Est-ce votre façon de sensibiliser les -africains sur les maux qui leur nuisent?
Je trouve que c’est aussi une façon de dire les choses. De part ma joie de vivre, je peins une Afrique pleine d’avenir, car nous avons une Afrique riche et pleine d’espoir. Mais nous ne devons pas fermer les yeux sur la réalité que -vivent les africains en Afrique. Regardez tous ces migrants qui prennent la route pour partir loin de leurs familles par manque de travail et parfois ces gens meurent dans le désert ou se noient dans les océans. Nous ne pouvons pas rester neutre face à ça. Nous devons dénoncer tout cela car se taire c’est être complice. C’est pour cela que je parle de tout ça dans mes pièces, les conditions des femmes, leur place, l’excision, la santé public etc... Je ne peux pas me taire...
Il faut que nos gouvernements fassent tout pour retenir les fils et filles d’Afrique. Mettre en place des moyens afin que les artistes et les jeunes n’aient pas besoin d’aller chercher du travail ailleurs. Je reste positive car -beaucoup de gens s’y mettent pour faire bouger les choses... J’y crois dur comme fer... Nous y arriverons!
Vous touchez à un peu de tout : maquilleuse professionnelle, mannequin, coiffeuse, styliste puis comédienne. Maintenant que vous êtes plus attachée à l’art scénique, arrivez-vous à pratiquer les autres arts ?
Je ne suis que comédienne maintenant. Je ne vis que de mon métier et je suis heureuse.
Peut-on dire que la rencontre avec votre metteur en scène devenu votre mari vous a favorisé les choses ?
Pas du tout ! Il n’était pas metteur en scène à l’origine. Il l’est devenu par amour pour moi et il m’aide beaucoup. J’ai la chance d’avoir un mari qui peut se dégager de son travail pour me consacrer du temps. Il a appris le métier, il corrige mes textes et on travaille ensemble.
Racontez-nous une de vos journées !
Habituellement quand je me réveille, je prie. Ensuite,je vais courir et à mon retour, je fais des abdos. Je me fais un jus d’orange, je prends du thé. Après j’arrose les tomates dans mon jardin, je regarde mes mails et je prépare le déjeuner. Dans l’après-midi, je regarde au besoin les infos. Ça c’est une journée où je ne fais rien. Sinon quand je suis très occupée, je travaille également mes pièces, je fais un tour à vélo, je prépare le dîner et une fois au lit, je prie.
Vous êtes pour la seconde fois au Bénin. Comment appréciez-vous le pays et son public ?
J’adore le Bénin, les gens sont chaleureux et très sympatriques, « j’ai même reçu des cadeaux de la part du public béninois après ma représentation.» La nourriture est très bonne et le paysage très beau. C’est sûr que je si je devais revenir vivre en Afrique un jour le Bénin ferai peut être partie de mes destinations après le Burkina Faso ( rires).
Propos recueillis par Falonne MAOUSSI/Michaël TCHOKPODO