GENERATION ENTREPRENEUR 2016
Ils sont quatre jeunes béninois. Leurs âges oscillent entre la vingtaine et la trentaine. Grâce à leurs talent et abnégation, ils ont su se démarquer et affirmer leur leadership dans leur domaine de compétence : Elvis Sanya dans la mode et laculture, Nadjidath Adamou au maquillage, Jean-Marc Amouzou par le biais du numérique et Mounia Youssef, en photographie. Zoom sur les quatre jeunes managers que nous avons remarqués en 2016.
ELVIS SANYA
Mode & Showbiz, Manager de LvS Events & Co
Ses études en architecture, en communication et en droit on fait de lui l’entrepreneur qu’il est aujourd’hui. Ses études en architecture l’aident à faire ses croquis, et ses études en communication l’aident à garder la tête haute dans l’organisation de ses évènements. D’où sa présence dans le domaine de la mode et des events. Lui, c’est Elvis Sanya, le promoteur de la marque SEAN NOBAYO et des soirées MODASH. Des -soirées qui ont fait la joie des uns et des -autres à Cotonou depuis neuf ans et depuis peu à Lomé ; quel est le secret du trentagénaire dans ses affaires et comment arrive-t-il à surmonter les difficultés liées à son activité ?
Cela fait neuf ans que vous organisez le « Modash. » Comment êtes-vous arrivé à faire perdurer l’événement ?
Ce n’est pas un secret, les gens m’ont demandé de le faire plusieurs fois dans l’année, mais j’ai préféré le faire périodiquement en une année et chaque fois on essaye d’apporter une nouvelle touche. Et même si ce n’est pas ce qu’on veut, on essaye de faire ce qui est possible. Et je pense que c’est ça qui a fait durer le concept ainsi que -l’évolution de la mode.
Faisant un bilan à mi-parcours, pouvez-vous dire que votre objectif de départ est en train d’être atteint ?
Beaucoup de personnes se sont lancées dans le commerce du pagne et des accessoires en pagnes et en ont fait leur gagne-pain, leur activité met en avant notre pays le Bénin. Ça fait plaisir. Il y a aussi le fait que le pagne soit plus présent dans le quotidien de la jeunesse et je pense qu’on en est pour quelque chose. Faire porter le pagne avec une tendance chic et moderne c’était notre pari et je pense qu’on est en train de le gagner. Même si le pagne n’est pas produit en Afrique, on se l’est approprié.
Les jeunes entrepreneurs béninois se heurtent généralement à des difficultés de tout genre. Quelles sont les vôtres ?
Ce sont les challenges de tous les jours, l’imprévisibilité du public béninois et le manque de soutien. Malgré le soutien que nous apporte certains de nos partenaires que je remercie au passage, on n’arrive toujours pas à atteindre nos objectifs. Je pense que si on avait plus de soutien au niveau du public et des partenaires et sponsors, on peut mieux faire, MODASH serait beaucoup plus grandiose pour attirer le public d’ici et d’ailleurs et devenir un atout touristique pour le Bénin.
Du Bénin, le « Modash » s’est exporté à Lomé. Est-ce que l’engouement qui entoure l’événement à Cotonou est le même qu’au Togo ?
C’était bien, on a remarqué la spontanéité des togolais concernant le respect du Dress code, ce qui n’était pas pareil au début de MODASH à Cotonou. C’était respecté à 75% et pour une première édition c’est très encourageant pour la suite. Et il faut rappeler que Lomé est une première étape pour étendre le concept à l’international.
En tant que jeune entrepreneur, quels sont les défis que vous n’avez pas encore relevés mais qui sont inscrits dans vos actions futures ?
Même pas la moitié (rires). Je préfère en parler quand je les aurai atteints.
Qu’est-ce que vous pourriez conseiller aux jeunes qui veulent créer leurs propres entreprises comme vous ?
Il faut chercher à innover, ne pas vouloir faire la même chose faite par quelqu’un, c’est quelque chose que je n’apprécie pas du tout. Même si cette activité est déjà faite par une autre personne, apportez votre touche personnelle. Il faut être persévérant, avoir la foi et faire des sacrifices, je ne demande pas d’aller voir des marabouts (rires) mais se donner à fond dans ce que l’on entreprend.
Nadjidath ADAMON
Maquilleuse Professionnelle, Make Up by Nadj
D’origine béninoise, Nadjidath Abébi Adamon est une maquilleuse professionnelle. Après l’obtention d’un diplôme en marketing, elle fait une expérience en entreprise comme tous les jeunes de son âge. Sa passion pour le maquillage l’emmène à risquer son poste de chef d’agence pour ouvrir en 2012 son studio. « Je suis fière d’avoir inspiré beaucoup de personnes parce que après moi, beaucoup de salons de maquillages ont été créés », peut-elle affirmer. Avec un plafond de ‘’50.000 j’aime’’ sur sa page Facebook, la maquilleuse professionnelle n’entend pas s’arrêter en si bon chemin car, confie-t-elle en off, le maquillage « nourrit » son homme.
C’KOI ? Magazine : Le maquillage pour vous, est-ce une passion ou l’aboutissement d’un apprentissage ?
Nadjidath Adamon : J’ai réellement commencé les formations en maquillage depuis fin 2011. J’ai fait plusieurs formations professionnelles. Bien que le maquillage soit un don pour moi, il fallait que je me perfectionne. Je travaillais dans une structure de téléphonie mobile et à chaque fois que je prenais mes congés ou à mes temps perdus, je profitais pour faire des formations professionnelles au Nigéria.
J’ai étudié le marketing avant de commencer le maquillage professionnel dans lequel j’ai obtenu un diplôme professionnel. C’est en 2012 que je me suis réellement lancé dans les prestations de service au public.
Comment avez-vous réussi à mobiliser le capital initial pour ouvrir votre studio ?
Ce n’était pas facile et on ne commence rien facilement. J’ai maquillé à la maison pendant un an et je me suis décidé à laisser le boulot pour me lancer dans le maquillage et avoir une boutique. D’abord, j’ai commencé au marché mais je ne maquillais pas au marché, les clients venaient à la maison parce que je faisais également du prêt-à-porter. Un jour, j’ai décidé de changer la donne : je me suis donnée à fond et je travaillais tout le temps. En deux mois, je travaillais tous les jours, j’avais des mariages toutes les semaines...
Je voulais faire le premier studio de maquillage professionnel à Cotonou. Je me suis forcée à travailler jour et nuit pour ouvrir ma boutique. Pour mobiliser le capital nécessaire, j’ai travaillé dur pendant deux mois, je ne refusais aucun boulot. C’est comme ça que j’ai pu ouvrir le studio. Et à chaque fois, je me rapprochais des grandes maquilleuses du Nigéria pour me former davantage.
En 2016, on vous a retrouvé sur quelques événements phares.
En tant que jeune make up artiste, comment en êtes-vous arrivée à ce niveau ?
La plupart du temps, les gens me recommandent. Des personnes que je ne connais pas personnellement disent « appelez telle personne, elle maquille bien… » et j’avoue que ma page Facebook m’a beaucoup propulsé à cause des photos que j’y poste. Donc, le comité de Miss-Bénin m’a fait appel pour maquiller les candidates pour son événement.
Personnellement, quels sont les sacrifices que vous avez dû consentir pour venir à ce stade ?
J’ai sacrifié mon temps. Je n’ai plus du temps pour moi-même. Parfois je me demande même si j’ai une vie ? C’est maintenant que j’essaie de ralentir. Il n’y a pas de plaisir. Je me suis fait une routine et c’est resté. Pendant que les autres sont sur scène, je suis dans les coulisses à rendre les autres belles. C’est un gros sacrifice.
Envisagez-vous continuer le maquillage ou embrasser une autre carrière ?
Je vais continuer à vie, j’adore ce que je fais.
Je suis contente et fière de beaucoup de jeunes qui, malgré la peur, affrontent les ‘’on-dit’’ et font du maquillage. Je leur dirai de continuer à croire en ce qu’elles font mais de surtout faire des formations professionnelles. Le tout ne suffit pas de -s’autoproclamer maquilleuse. C’est important d’être professionnel dans ce qu’on fait et d’y mettre de l’amour.
Mounia YOUSSEF
Photographe Professionnelle, M-Blink
Mounia Youssef est Togolaise et Libanaise de 28 ans, titulaire d’une licence en journalisme audiovisuel à l’Institut Supérieur des Métiers de l’Audiovisuel (ISMA). Au lieu d’embrasser une carrière de journaliste comme la prédestinait sa formation, elle se paie des études en multimédia au Ghana de 2013 à 2015 et s’oriente résolument vers la photographie. Autodidacte à la silhouette fine, objectif en main, elle décrit la photographie au Bénin «comme un grain de maïs qu’on a mis en terre. Une saison pluvieuse est passée et il pousse. Tôt ou tard, on va le récolter et copieusement le manger.»
C’KOI ? Magazine : Ce n’est pas fréquent de rencontrer une femme dans la photographie au Bénin. Qu’est-ce qui a fait naître cette passion en vous ?
Mounia Youssef : Ma passion pour la photographie est née lors de ma formation en journalisme audiovisuel. Ce qui m’avait le plus intéressé, c’était le cadrage vidéo. Je trouvais que c’était le seul domaine dans lequel on pouvait laisser -libre-court à son imagination. Quand on fait un papier, il faut être objectif alors qu’avec la caméra, même si on relate un événement en images, on peut quand-même y mettre un peu de créativité. Je me suis dit : « Pourquoi ne pas faire ça ? » Mais tout ce qui est vidéo prend du temps, les caméras étant lourdes, je ne suis pas quelqu’un de très fort, je me suis alors orientée vers la photographie qui est une image fixe.
Le journalisme, c’est une belle profession mais ça me limite, or, je voulais plutôt être plus créative dans mon métier. Quand on est présentatrice, avec le poids de l’âge, la -carrière peut durer moins longtemps alors qu’en tant que photographe, même si je prends de l’âge, je pourrai toujours travailler. Je veux rendre les gens beaux, je veux -immortaliser les gens et les événements.
Est-ce que le fait d’être une femme vous fait heurter à un mur de discrimination ?
Personnellement non. Parfois, des clients qui ne me connaissent pas me contactent et m’appellent Monsieur. Je laisse durer le suspense, après je rectifie que je suis du sexe féminin et c’est l’étonnement qui s’en suit. C’est souvent ce qui m’arrive de marrant parce qu’on sous-estime les capacités d’une femme à faire de la photo. Ça ne me choque pas, ça ne me frustre pas et ça ne m’énerve pas non plus. Mais dans le métier, je n’ai jamais subi de discrimination.
Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon photographe ?
C’est la technique et le feeling. On peut donner une bouteille à photographier à une dizaine de photographes et chacun aura une vision différente. En plus de la technique, c’est le feeling qui va les différencier.
C’est parfois difficile de jumeler les travaux des clients et les travaux personnels. En ce qui concerne les modèles, je ne fais pas un tri réel. Ceux avec qui je travaille la plupart du temps viennent vers moi ou on se rencontre sur des projets et de fil à aiguille, on retravaille ensemble. Soit, je vous vois, j’apprécie votre rendu physique et je me dis que devant ma caméra vous allez donner quelque chose de bien mais je ne suis pas sélective. Tout dépend aussi de la volonté du modèle à travailler parce que poser, c’est difficile. Si le modèle est sérieux dans ce qu’il fait comme je le suis aussi, on peut travailler.
En 2016, vous avez réalisé une série de photographies sur diverses thématiques. Pourquoi une telle initiative et quelles en sont les retombées ?
Dès que j’ai terminé ma formation en multimédia au Ghana en 2015, je suis rentrée au Bénin et j’ai repris mes activités pour faire comprendre aux gens que je suis de retour. En tant que photographe, il faut que j’aie du contenu, il faut qu’on sache de quoi je suis capable. C’est dans cet esprit que je me suis lancée dans la création d’une série de photos avec différents modèles.
Se doter d’un appareil professionnel et d’un studio sont des acquisitions onéreuses pour un jeune photographe. Comment êtes-vous parvenue à vous en sortir ?
C’est l’assiduité dans le travail et la constance. Si vous êtes constant dans votre travail, les gens vous feront appel ou vous recommandez. Du coup, vous travaillez et économisez. Ensuite, vous pouvez alors économiser et investir dans le matériel. A moins que vous ayez des généreux donateurs qui veuillent vous soutenir, sinon, seul le travail bien rémunéré et fait de manière qualitative peut vous procurer de quoi investir.
Jean-Marc AMOUZOU
A 25 ans, Jean-Marc Amouzou dirige une Start-up qui offre des services web, gère des communautés sur les réseaux sociaux et fait des créations graphiques et apporte des solutions informatiques à sa clientèle. Cette Start-up a pour nom JMA plus. Vous ne la connaissez sûrement pas mais vous aviez entendu parler de Béninshop, une plateforme qui met en exergue le E-commerce. Ce jeune homme n’a pas atterri par hasard dans le domaine du digital, c’est sa passion pour le web qui le lui a permis. Le médecin raté (ndllr : puisqu’il a fait une année en médecine) est détenteur d’une licence en télécommunications et réseaux et d’un master en ingénierie des systèmes d’informations et conduite de projets informatiques. Il s’est investi dans le digital depuis 2011.
C’KOI ? Magazine : Quel est le taux de pénétration de « Béninshop » sur le marché béninois ?
Jean-Marc AMOUZOU : Je ne pourrais vous le dire, en revanche je peux affirmer que nous grandissons ; nous sommes à nos débuts. Nous savons que nous évoluons et avons du chemin à parcourir car nous n’avons pas encore fait grand-chose. Nous ne méprisons tout de même pas ce qui est déjâ accompli.
Plusieurs difficultés parsèment le parcours des jeunes entrepreneurs béninois. Quelles sont les vôtres ?
Dans la mise en place de JMA Plus, ce sont les problèmes que rencontrent en général les entrepreneurs, surtout dans le numérique où l’environnement n’est pas encore mûr. C’est vrai qu’aujourd’hui ça va mieux, il y a quelques années, beaucoup ne connaissait pas l’utilité d’avoir un site web ou une -application. La demande est beaucoup plus forte aujourd’hui, parce que la demande est beaucoup plus proche. La première difficulté pour les entrepreneurs dans le domaine du numérique, c’est le fait que Internet ne soit pas encore bien assis. Il y a aussi le fait que la confiance ne soit pas accordée aux jeunes, les gens se disent que nous ne savons pas ce que nous faisons, ce qui n’est pas forcément vrai.
Par rapport à Béninshop, les difficultés liées au E-commerce ne se limitent pas au moyen de payement ; elles se trouvent plutôt dans les habitudes d’achat. Le jour où le gens penseront direct à acheter sur le net, nous aurons gagné la bataille de l’attitude d’achat. Bien que vous ayez une culture d’achat qui vous emmène vers une plateforme, une -application ou un système numérique avant que nous parlons de comment vous comptez payer et comment on va vous livrez.
Au-delà de ce problème d’attitude d’achat, il y a le problème de localisation, un problème très fréquent. Je pense que la mairie a du boulot à faire concernant la localisation à Cotonou.
Ensuite il y a le problème lié au payement. Et pour cela nous proposons trois solutions ; la possibilité de payer par Mobile money, par Moov money ou à la livraison. Et à 95% les clients payent à la livraison ce qui confirme que les moyens de payement ne sont pas un frein pour le E-commerce.
Comment faites-vous pour rester présent dans la tête du consommateur pour qu’il pense direct à votre plateforme ?
On teste -actuellement plusieurs stratégies, de -communication. Notre communication est 100% basé sur le web, Facebook et Whatsapp.
Vous opérez dans un domaine hautement convoité. Comment gérez-vous la -concurrence ?
Il faut dire que nous travaillons de façon plus professionnelle, nous prenons en charge les besoins du client et cela est plus important que de démontrer sa capacité de pouvoir faire une application. Le client veut que son application puisse servir. En général ce que nous designers nous oublions, le client qui vient vers nous, n’est pas notre client, le vrai client, c’est son client à lui.
Quelle performance envisagez-vous atteindre d’ici dix ans ?
Dans dix ans Béninshop n’existera plus ; nous serons bientôt à Lomé. Ensuite au Niger puis au Burkina-Faso. Donc une envergure plus continentale que nationale. Donc le nom Béninshop va disparaître pour un nom beaucoup plus intéressant. Dans 10 ans, je vois Béninshop être le leader du E-commerce dans les pays francophones d’Afrique, surtout ceux qui n’ont pas encore connu la révolution numérique. Nous voulons développer le système numérique là où il ne l’est pas encore, au lieu d’aller tomber dans un système économique où il y a de la concurrence.